Faunes sauvages

Publié le par Leon K.

Ce jour-là, j’étais très en avance pour me rendre à un rendez-vous, j’avais quitté l’autoroute et m'étais engagé sur les routes départementales. Dans le matin froid, une légère brume s’élevait du sol givré et les vignes dépouillées se découvraient sous le soleil levant. La route buissonnière était un choix heureux.

Après avoir effectué un demi-tour dans une route en impasse, je me suis aperçu que la signalisation routière était absente, pas le moindre panneau pour annoncer ce cul-de-sac ni le moindre panneau pour indiquer la direction du village que je devais rejoindre. Ce n’était pas grave, j’avais du temps devant moi et il ne me restait que quelques kilomètres à parcourir.

J’ai repris mon chemin sur ces petites routes désertes. Les carrefours dépourvus de signalisation se succédaient. J’y choisissais ma direction à l’estime, en l’absence du plus modeste panneau qui puisse conforter mes choix.

J’étais serein mais j’aurais apprécié un indice sur la direction à suivre car je n’aime pas arriver en retard, quand, enfin, je vis face à moi, à une intersection, une pancarte du plus beau rouge pompier. En belles lettres blanches, j’y lus « Réserve de chasse et de faunes sauvages. »

J’examinai les alentours, cherchant à découvrir les faunes sauvages dans les alignements de vigne ouatés de brume… rien, pas le moindre faune. Je restais là quelques minutes, scrutant les alentours mais, hormis quelques étourneaux, je n’y aperçus aucun être vivant. J’allais être en retard pour mon rendez vous, je ne pouvais rester à l’affût plus longtemps. J’embrayai donc avec un dernier regard vers la pancarte écarlate : « Réserve de chasse et de faune sauvage. »

Deux « s » en moins et le charme mythologique s’envolait. Je me retrouvais face à trivialité de notre époque. Les humains y endossaient le rôle de « sauvages », ils y inventaient la protection d’êtres vivants sur lesquels ils pourraient pointer leurs armes et décharger leur envie de tuer.

En passant la seconde, je me suis dit que la bestialité restait une part importante de notre humanité, comme chez les faunes.

Mais je suis sûr que je préférerais rencontrer des faunes sauvages parmi les treilles plutôt que des protecteurs de la faune en treillis…

 

Publié dans Billets

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article